Le déraillement du Granville-Paris, le 22 octobre 1895

Ce jour-là, le train en provenance de Granville et à destination de Paris, n’est pas parvenu à s’arrêter et la locomotive a traversé la façade de la gare Montparnasse pour finir sa course sur la place de Rennes…

Accident ferroviaire à la gare Montparnasse du 22 octobre 1895

La photo de couverture de cet article provient du site Paris en images (crédit : Henri Roger / Roger-Viollet).

Le 22 octobre 1895, le train no 56, parti de Granville à 8h45, doit normalement arriver à 15h55 sur la voie 6 de la gare Montparnasse (alors appelée gare de l’Ouest), à Paris. Le convoi, tracté par une locomotive à vapeur opérée par un mécanicien et un chauffeur, est constitué de trois fourgons à bagages, d’un wagon postal et de dix voitures de voyageurs, dont une voiture-salon. En effet, en gare de Briouze (Orne), le convoi fait un arrêt imprévu, pour qu’on lui attèle un wagon-spécial qui ramenait à Paris Albert Christophle, député de l’Orne, et accessoirement gouverneur du Crédit foncier de France. La manœuvre engendre plusieurs minutes de retard.

Lors de son passage à Versailles-Chantiers, le train accuse un retard de sept minutes sur son horaire. Il en regagne deux lorsqu’il aborde l’avant-gare de Paris-Montparnasse, mais malgré des tentatives, ne parvient pas à s’arrêter à temps. Suscitant l’affolement général en pénétrant sous le hall à une vitesse d’environ 40 km/h, il pulvérise le butoir, puis transperce le béton du terre-plein situé au bout des voies et le mur de la façade surmonté d’une cloison vitrée et traverse la courte terrasse surplombant la place de Rennes et défonce son balcon. Emportée par son élan, la locomotive bascule dans le vide et son extrémité avant s’enfonce dans le sol à l’emplacement d’une station de tramway, détruisant un kiosque-abri. Il est exactement 16h, comme en témoignaient les pendules électriques de la gare, toutes arrêtées lors de l’accident.

Le bilan

Malgré la violence de l’accident, il ne provoque qu’un seul décès, celui d’une marchande de journaux installée à la station de tramway, Marie-Augustine Aiguillard, 39 ans, mère de deux enfants de 5 et 9 ans, écrasée à la fois par une pierre tombée de la façade et par le cendrier de la locomotive qui récupère les cendres et les scories du foyer. Son mari déclare : « Elle est morte, tuée sur le coup. Elle tricotait, assise sur les marches de la buvette. »

Heureusement l’abri était vide de voyageurs au moment de l’accident et le tramway bondé de la ligne de Montparnasse à Étoile qui y stationnait en attente du départ était éloigné du point de chute par ses chevaux, affolés par le fracas provoqué par l’évènement. Madame Pelletier, tenancière d’un kiosque à journaux accolé à la façade juste dans le prolongement de la voie 6, s’est enfuit à temps en voyant le convoi foncer sur elle. Le mécanicien Guillaume Pellerin et le chauffeur Victor Garnier, ont été projetés hors de leur machine lors du choc avec le butoir, le premier à droite dans l’entrevoie, le second à gauche sur le quai, ont subit de légères blessures.

Coupures de presse de l’époque. Retrouvez les articles sur le blog de Gallica.

Les voitures du train, dont la décélération brutale aurait pu provoquer un télescopage, sont restées sur les rails, retenues à la fois par l’effet du frein à air dont la canalisation s’était rompue et par celui du frein à main du fourgon de queue. Leurs passagers ont été victime de quelques contusions sans gravité.

L’enquête

Interrogés immédiatement après l’accident, le mécanicien et le chauffeur invoquèrent une panne du frein à air type Westinghouse, qui avait normalement fonctionné lors du ralentissement sur les aiguillages de la gare d’Ouest-Ceinture, puis au passage à niveau de la rue de la Procession, mais s’était révélé défaillant à celui de la rue du Château, quelques centaines de mètres avant l’arrivée. Ils avaient bien tenté de réduire leur vitesse, qui était alors de 65 km/h en renversant la vapeur et en sablant, tout en sifflant pour demander aux conducteurs d’actionner le freinage d’urgence, mais ces manœuvres s’étaient avérées insuffisantes pour arrêter le convoi à temps.

A la postérité

Cet accident ferroviaire est l’un des plus connus, même à l’international. On en retrouve la mention dans le film de Martin Scorsese Hugo Cabret (2011) et dans la scène d’introduction du film Edmond (2019) d’Alexis Michalik. On peut également en voir une réinterprétation par le graffeur Brusk sur le site des travaux du centre commercial Gaité-Montparnasse à deux pas de la gare.

En 2018, sur une proposition d’Olivier Landes, fondateur d’Art en Ville, le graffeur Brusk a réalisé une fresque éphémère réinterprétant l’accident ferroviaire de 1895 (crédit : Les Montparnos, octobre 2020).

Les sources pour cet article : « L’accident de la gare Montparnasse » (Le Temps, 24 octobre 1895), le blog de Galllica, le site RetroNews et la page Wikipedia.

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