Nos voisins, les arbres

Le saviez-vous, il y a plus de 200 000 arbres dans les rues, les espaces verts et les équipements municipaux parisiens. Retour en images sur une déambulation autour des essences du quartier Montparnasse.

Paris compte plus de 110 000 arbres sur la voie publique. On les appelle les arbres d’alignement. La volonté est d’en augmenter le nombre, mais seulement si les sites réunissent les critères pour accueillir les arbres dans de bonnes conditions.

Régulièrement la mairie de Paris propose des visites guidées gratuites animées par l’Agence d’écologie urbaine de la Direction des espaces verts et de l’environnement de la ville. Le dimanche 25 juillet 2021, à l’initiative de la mairie du 14e arrondissement, la visite avait pour thème « Les arbres des rues du quartier Montparnasse« . Résumé en images…

La gestion des arbres parisiens

La plantation des arbres suivent différentes logiques. On a longtemps préféré des allées d’arbres de même essence et de même taille comme cet alignement du jardin du Luxembourg.

Les marronniers taillés au cordeau du jardin du Luxembourg et de l’avenue de l’Observatoire (Photo : Les Montparnos, octobre 2013)

Le service de l’arbre et des bois de la ville de Paris fait parfois le choix, en tenant compte du sol et de l’ensoleillement, de mélanger des essences de familles différentes, ce qui évite la transmission des maladies entre les arbres. Choisir des essences étrangères permet de sélectionner des arbres résistant à un climat continental très marqué mais qui n’abritent pas autant de biodiversité que les arbres originaires d’Ile-de-France et donc sont moins sensibles aux parasites locaux. Les arbres plantés à Paris proviennent soit des pépinières municipales (1/3), soit de pépinières françaises ou étrangères (2/3).

Lorsqu’un arbre est planté sur la voie publique, il arrive généralement en motte. Un cerclage en métal ou un cadre en bois peuvent être installés autour du tronc pour protéger la croissance de l’arbre.
Vous verrez parfois un tuyau jaune qui sort de terre près du tronc des jeunes arbres. Pendant les trois premières années de plantation, ce drain agricole permet d’amener l’eau d’arrosage jusqu’au bas de la motte favorisant ainsi la croissance des racines. Ensuite le drain sera bouché pour éviter l’évaporation et le dessèchement.

Le tuyau jaune est un drain agricole qui permet de conduire l’eau d’arrosage jusqu’au pied de la motte des racines de l’arbre (photos : Les Montparnos, juillet 2021)

Pour survivre en milieu urbain, l’arbre doit relever plusieurs défis. Le volume de terre sur lequel pousse l’arbre peut être insuffisant ou pauvre. Par ailleurs lorsque la terre au pied de l’arbre est trop tassée, l’air et l’eau s’infiltrent difficilement. Les grilles qui encerclent les pieds des arbres ont été installées pour permettre l’infiltration de l’eau, mais malheureusement ça n’est pas la solution idéale. Une autre solution est parfois d’enlever le bitume entre deux arbres pour faciliter l’infiltration de l’eau dans la terre. Des revêtements perméables sont également à l’étude, affaire à suivre…
Si la végétation est trop dense autour du tronc, elle s’accapare l’essentiel de l’eau qui du coup ne parvient qu’en quantité insuffisante aux racines de l’arbre. Ces mêmes racines peuvent aussi avoir du mal à se frayer un chemin dans le sous-sol parisien très encombré par toutes les canalisations et autres galeries du métro. En ce moment on voit beaucoup se développer des arrangements floraux au pied des arbres, mais sachez que si le niveau de la terre est remontée pour accueillir ces nouvelles plantations, jusqu’à enterrer le collet de l’arbre, cela peut le faire mourir.

Toute agression sur le tronc endommage les vaisseaux conducteurs et interrompt la circulation de la sève. Ces blessures constituent la porte d’entrée à de nombreux micro-organismes capables d’entraîner la mort de l’arbre (photos : Les Montparnos, juillet 2021)


L’arbre peut subir d’autres types de stress, comme des écarts de températures importants ou l’accentuation des effets de la chaleur, mais également des agressions, comme l’arrachage de son écorce, des chocs dus à la circulation ou même le déversement de liquide polluant à son pied (si si ça arrive).

Sur la voie publique, les arbres ne peuvent être laissés jusqu’à leur sénescence naturelle, car le vieillissement peut engendrer des chutes, aussi, sauf cas particulier, un arbre parisien est généralement là pour 60 à 80 ans. 

Quelques unes des essences repérées

L’observation des feuillages, fruits, fleurs, écorces et silhouettes des arbres que vous croiserez lors de vos déambulations parisiennes vous permettra de remarquer qu’il y a de nombreuses essences différentes dans nos rues, en fait plus d’une centaine à Paris. Pour notre part, la déambulation a débuté à partir de la station de métro Raspail, pour s’achever rue Victor Schoelcher.

Principales étapes de la visite guidée du 25 juillet 2021
Au 18e siècle de nombreuses essences ont été importées de la région de Pékin, comme le sophora japonica ou le cédrèle toona (ci-dessus) qui a la particularité d’avoir des feuilles roses au printemps (photos : Les Montparnos, juillet 2021 et avril 2019)
Les fruits du Pterocarya sont de très petites noix vertes entourées de deux ailes semi-circulaires et groupées en épis pendants de 40 à 50 cm de long environ (photo : Les Montparnos, juillet 2021)
A l’angle de la rue Poinsot, un Albizia, aussi appelé arbre de soie en raison de ses fleurs en plumeau. Il a la particularité de supporter le calcaire actif du sol (photos : Les Montparnos, juillet 2021)
Le Paulownia doit son nom à Anna Pavlowna, princesse des Pays-Bas, fille du tsar Paul Ier de Russie (Photo : Les Montparnos, juillet 2021)
Les tilleuls donnant sur la place de Catalogne (photos : Les Montparnos, octobre 2020 et juillet 2021)
Il y a peu d’arbres fruitiers en dehors des parcs et jardins. Pourtant rue Jean Zay, on trouve plusieurs poiriers à fleurs qui produisent des fruits comestibles mais âpres (photos : Les Montparnos, juillet 2021)
Près de l’entrée du cimetière Montparnasse, rue Froidevaux, on trouve plusieurs ormes. Cette essence a failli disparaitre à cause de la graphiose, une maladie fongique (Photo : Les Montparnos, juillet 2021)
Alignement de charmes sur la rue Victor Schœlcher. Particularité : le charme est marcescent, c’est-à-dire que les feuilles, bien qu’inactives, ne tombent pas en automne. Au printemps, les nouvelles feuilles font tomber les anciennes (Photos : Les Montparnos, juillet 2021)

J’espère que la lecture de cet article vous permettra de porter un autre regard sur les arbres qui nous entourent, comme ça a été le cas pour moi après cette visite que je vous recommande quelque soit votre quartier.



La carte d’identité de chaque arbre parisien
Envie de connaitre le type d'arbre qui est en bas de chez vous ? Consultez la base de données informatisée sur tous les arbres d'alignement de Paris. Cette application permet un suivi de tous les arbres du patrimoine arboré parisien (alignements, jardins, cimetières, écoles et crèches, établissements sportifs…). Chaque arbre est suivi par sa "carte d'identité informatique" regroupant toutes les informations concernant sa date de plantation, les arrosages successifs, les élagages, l’état sanitaire (état physiologique, plaies, champignons, chocs) pour faciliter le diagnostic des arbres dangereux et fait l’objet d’un suivi régulier.
Accéder au site



Les arbres remarquables de Paris
L’arbre remarquable se distingue par sa singularité, sa morphologie, son identité ou encore son rôle social. Cette distinction lui permet d’entrer au panthéon du patrimoine naturel, culturel ou paysager. Les quelques 191 spécimens remarquables répertoriés à Paris appartiennent à 52 essences d'arbres différentes. Y en a-t-il un près de chez vous ? 
Accéder au site

Pour en savoir plus sur la gestion des arbres parisiens, consultez le site de la ville de Paris, qui donne notamment le planning des interventions d’entretien, d’abattage ou de plantation des arbres, pour les infos sur le plan « Paris Pluie » c’est par . Retrouvez toutes les visites guidées proposées par la Ville de Paris sur Que faire à Paris.

Montparnasse en peinture

La recherche de toiles représentant Montparnasse est l’occasion de voyager dans les courants picturaux tout en constatant les changements du quartier au fil des années.

La boutique du tonnelier, 8 rue du Montparnasse (6e arr.) dessinée par le peintre français Georges-Henri Manesse (1854-1941) en septembre 1915 (source : Musée Carnavalet).

Cet article présente une sélection de tableaux représentant différents lieux du quartier Montparnasse. La liste est loin d’être exhaustive, mais vous remarquerez que les artistes sont venus du monde entier pour vivre à Montparnasse ou peindre le quartier. S’il manque un tableau que vous appréciez tout particulièrement, signalez-le en commentaire. A la fin de l’article vous trouverez une carte qui repère les points de vue identifiables d’où ont été peints ces tableaux. Si vous le pouvez, je vous invite vivement à vous rendre sur place pour constater les changements et pourquoi pas réaliser votre propre œuvre, si le lieu vous inspire.

La place de Rennes

La place de Rennes (1907) vue par Maurice Prendergast (1858-1924), aquarelliste américain (source : WikiArt)

Devant la gare de l’Ouest, la place de Rennes (actuelle place du 18 juin 1940) à l’époque où l’on se déplaçait en omnibus à cheval, en calèche ou avec son char à bras… puis en bus. On constate que la colonne Morris, cette colonne publicitaire ronde typique du mobilier urbain parisien, a changé plusieurs fois de place, encore de nos jours, et que le tracé de circulation a été modifié depuis.

Entre 1925 et 1935, la place de Rennes, devant la gare de l’Ouest, par Max Jacob (1876-1944), peintre français (source : Musée Carnavalet).

La gare Montparnasse

Maine-Montparnasse, la station de chemin de fer de nuit (1905) par Nicolas Tarkhoff (1871-1930), peintre russe. Cet artiste a fait de nombreux tableaux de son quartier, entre la rue de Vaugirard et l’avenue du Maine, souvent depuis sa fenêtre.

La gare Montparnasse, lorsqu’elle s’appelait encore la gare de l’Ouest, que les rails passaient sur un viaduc au dessus de l’avenue du Maine, qu’on arrivait directement sur la place de Rennes.

« Gare Montparnasse – La mélancolie du départ » (1914) par Giorgio De Chirico (1888-1978), peintre italien.
Gare Montparnasse (1931) par Albin Amelin (1902-1975), peintre suédois.

Le tableau de Amelin représente les trains à vapeur qui passent sur le viaduc du Maine avant d’arriver à la gare de l’Ouest. Dans le fond on devine le prolongement de l’avenue de Maine.

Le boulevard Edgar Quinet

Sur ces tableaux de Benatov, représentant le boulevard Edgar Quinet à différentes saisons, on reconnait le mur du cimetière Montparnasse et l’angle de la rue Émile Richard (14e arr.).

« L’hôtel Edgar Quinet – boulevard Edgar Quinet » (1950) par Tsugouharu Foujita (1886-1968), peintre d’origine japonaise.

L’hôtel Edgar Quinet existe toujours de nos jours et le haut de sa façade n’a pratiquement pas changé, l’établissement de vins et liqueurs est devenu un restaurant avec une large terrasse et de nombreuses voitures se garent le long du trottoir.

Le boulevard Montparnasse

Le nuage du boulevard Montparnasse (1898) par Robert Henri (1865-1929), peintre américain.

Difficile de déterminer à quel niveau du boulevard Montparnasse, ce tableau de Henri a été peint. Si vous avez une idée, laissez un commentaire…

« Aux vignobles de France » (1924) par Maurice Utrillo (1883-1955), peintre français de l’école de Paris, à l’angle du boulevard Montparnasse et de la rue Campagne-première.

Maurice Utrillo a déjà peint l’angle de cette rue en 1922, pas étonnant car il vient régulièrement Chez Rosalie qui est juste à côté au 3 rue Campagne-première. Le restaurant Aux vignobles de France deviendra le cabaret Le Jockey, fin 1923.

Le boulevard Raspail

Son ancien nom est le boulevard d’Enfer. En juillet 1887 il prend le nom de boulevard Raspail en hommage au chimiste et homme politique François-Vincent Raspail (1794-1878). La jonction entre les différents tronçons entre le boulevard Saint-Germain et la place Denfert-Rochereau s’est faite entre 1860 et 1906.

Il est difficile de déterminer à quel niveau des travaux sont faits ces deux tableaux de Mouren.

Le croisement de la rue de Rennes et du boulevard Raspail (1889) vu par Henri Zuber (1844-1909), peintre paysagiste français

On note dans ce tableau de Zuber qu’au croisement avec la rue de Rennes, le boulevard Raspail arrive dans un cul-de-sac. Le boulevard Raspail n’est pas encore totalement percé.
Le fronton en demi-lune sur la gauche est le bâtiment du Mont de Piété. Aujourd’hui il héberge la bibliothèque André Malraux (fermée pour travaux jusqu’en janvier 2022).

Au jardin du Luxembourg

Le jardin du Luxembourg a inspiré de très nombreux artistes. Voici une toute petite sélection de tableaux. Sur ce blog vous trouverez de nombreux autres exemples.

Au 19e siècle, le jardin du Luxembourg par Gaspard Gobaut (1814-1882), peintre français (source : BnF)
« Voie à Jardin du Luxembourg » (1886) par Vincent Van Gogh (1853–1890), peintre néerlandais.
« Au jardin du Luxembourg » (1887) par Albert Edelfelt (1854-1905), peintre finlandais.
« Dans le jardin du Luxembourg » (1889) par Charles Courtney Curran (1861-1942), peintre américain.
« Jardin du Luxembourg » (1948) par Lois Mailou Jones (1905-1998), peintre et enseignante afro-américaine.

En attendant de pouvoir retourner aux musées, lorsque la pandémie de Covid-19 sera terminée, j’espère que vous aurez apprécié cet intermède artistique. Je compte sur vous pour m’indiquer d’autres tableaux représentant des lieux du quartier que j’affectionne tout particulièrement.


Sur ce plan interactif, retrouvez les points de vue identifiables des peintres qui ont réalisé ces œuvres et constatez les changements qui se sont opérés depuis.

Et vous, vous êtes plutôt peinture ou photographie ?
La boutique du tonnelier au 8 rue du Montparnasse (6e arr.) dessinée par Georges-Henri Manesse (à gauche), en septembre 1915 (source : Musée Carnavalet) et pris en photo par Stéphane Passet en juillet 1914 (Source : Archives de la Planète, Musée Albert Kahn)
L’angle du boulevard Montparnasse et de la rue Campagne-première (14e arr.), « Aux vignobles de France » peint par Maurice Utrillo en 1924 (à gauche) et la carte postale ancienne (à droite). Ce lieu devient le cabaret Le Jockey fin 1923.


Galerie Les Montparnos
5 rue Stanislas, Paris 6e arr. - Site
Dès sa réouverture vous pourrez y voir l'exposition "Peinture, mon pays" consacrée à Schraga Zarfin (1899-1975), artiste biélorusse, ami d'enfance de Chaïm Soutine, et qui a rejoint Montparnasse en 1924.

NB : Cette galerie n'a aucun lien avec ce blog.


Marché de la création
Tous les dimanches, au pied de la tour Montparnasse, sur le boulevard Edgard Quinet (14e arr.), faites le plein d'art et échangez avec les artistes eux-mêmes. Et qui sait ?  Vous repartirez peut-être avec une toile ou une sculpture sous le bras...
Vérifiez les horaires

Qui est Noé ?

Si vous habitez Paris ou êtes de passage dans la capitale, le portrait d’un enfant affiché sur la façade de la Tour Montparnasse ne vous aura pas échappé…

Contrarié, boudeur ou accusateur, il est difficile, à première vue, d’interpréter le regard de cet enfant qui nous interpelle depuis les hauteurs de la Tour Montparnasse.

Sur la façade de la Tour Montparnasse, campagne contre le cancer des enfants

Accompagné de la phrase « Un cancer à 7 ans, sérieux ? », nous aide à comprendre le contexte. Il s’agit de la campagne d’appel aux dons du centre de lutte contre le cancer, Gustave Roussy, incarnée depuis 2017 par le visage de Noé Lemos. Mais qui est Noé ?

En 2011, à l’âge de 7 ans, Noé a été diagnostiqué d’un cancer au cerveau. « La cheffe de service de neurochirurgie de Necker nous annonce en même temps que notre fils a un cancer, que cette tumeur est cancéreuse et qu’il va mourir de façon certaine et rapide » se souvient le père de Noé. Frédéric et Magali, les parents du petit garçon, ont rencontré 20 équipes médicales dans 11 pays, mais au bout de 3 ans, l’état de santé de Noé s’est dégradé.

Pour Brut., Frédéric Lemos, le père de Noé qui est également le président du comité de la campagne « Guérir le Cancer de l’Enfant au 21e siècle » témoigne :


Source : l’article de France TV info du 19 février 2021.

Ma tour Montparnasse

Hommage en images à ma tour Montparnasse… Lire la suite

De la réclame au marketing

Alors qu’on trouve encore des traces de réclames peintes sur certains murs du quartier, voici un aperçu des campagnes publicitaires aperçues à Montparnasse… Lire la suite

Ma tour Montparnasse

J’aime la tour Montparnasse, n’en déplaise à certains. J’aime le contraste en hauteur et en style, j’aime qu’elle soit mon repère dans mes déambulations parisiennes, j’aime qu’elle cherche à se réinventer. Hommage en images à ma tour Montparnasse…

Cette photo prise à la sortie de la gare, à cause de la Lune, à droite, et de la lumière du lampadaire, à gauche, qui semblent être le reflet l’une de l’autre, est en fait amusante en raison de l’arbre qui donne l’impression de grimper à l’assaut de la tour Montparnasse (crédit : Les Montparnos, déc. 2016).

Ma tour repère…

Des hauteurs de Meudon-Bellevue, à la faveur d’un rayon de soleil, la tour Montparnasse se détache sur le ciel gris de Paris (crédit : Les Montparnos, août 2011).
La tour Montparnasse est visible depuis le cimetière du Père Lachaise, dans le 20ème arrondissement. En fonction du point de vue, il y a même un étrange effet d’optique, soit la tour parait très proche, soit très lointaine. Ici il s’agit de l’entrée principale du cimetière, dans le prolongement de la rue de la Roquette (crédit : Les Montparnos, juin 2020).
Depuis les étages élevés d’un immeuble de la place d’Italie, dans le 13ème arrondissement, on peut voir la tour Montparnasse et la tour Eiffel émerger des toits de Paris (crédit : Les Montparnos, juil. 2016).
La tour Montparnasse apparait entre les arbres de la butte Montmartre, dans le 18ème arrondissement, tout un symbole lorsqu’on connait la relation qui unit ces deux quartiers de Paris (crédit : Les Montparnos, juil. 2012).
La tour Montparnasse depuis le premier étage de la tour Eiffel dans le prolongement du champs de Mars (crédit : Les Montparnos, sept. 2020).
Même depuis mon lieu de travail, j’ai la tour Montparnasse dans mon viseur (crédit : Les Montparnos, oct. 2020).
Cette photo panoramique de la place du 18 juin 1940 avec la tour Montparnasse et la tour CIT (ancien centre international du textile) aura bientôt valeur d’archive, si le projet de rénovation du complexe Maine-Montparnasse est mené à son terme dans les prochaines années (crédit : Les Montparnos, juin 2020).

Maison Lavenue

Avez-vous déjà remarqué, au 1 rue du départ, le balcon gravé des lettres majuscules, LAVENUE ? Au début j’ai cru qu’il manquait l’apostrophe, mais en cherchant un peu j’ai compris que c’était le nom de l’établissement qui occupait ce bâtiment dès la seconde moitié du 19ème siècle.

Fondée en 1854, la Maison Lavenue, aussi appelée l’Hôtel de France et de Bretagne, est située au 1-3 rue du Départ et au 68 boulevard du Montparnasse. Elle donne directement sur la place de Rennes, l’actuelle place du 18 juin 1940, et se trouve juste à côté de l’ancienne gare de l’Ouest.

Je n’ai trouvé aucune information sur les premières années d’exploitation de l’établissement. Les documents que j’ai trouvés, mentionnant Lavenue, datent de la fin du 19e siècle.

Rénovée en 1897, lors du changement de direction, elle est fréquentée par des personnalités des arts et des lettres et propose plusieurs espaces pour des clients plus ou moins fortunés.

L’hôtel-restaurant Lavenue, place de Rennes, vers 1900, avec tout à droite, le Petit Lavenue. Au premier étage on peut lire sur la façade : « Gruffaz Successeur » et au 3ème étage, deux lanternes sont suspendues. Encore aujourd’hui les supports de ces lanternes sont visibles sur la façade.
A gauche, façade du côté du boulevard Montparnasse – A droite, détails de la façade du côté de la rue du Départ, avec les deux dates gravées dans la pierre : 1854 et 1897 (crédit : Les Montparnos, décembre 2020)

Dans le livre « The Real Latin Quarter » de Frank Berkeley Smith publié en 1901, on peut lire que, parmi les habitués de Lavenue, on trouve Auguste Rodin (1840-1917), Paul-Alfred Colin (1838-1916), Alexandre Falguière (1831-1900), Jean-Paul Laurens (1838-1921), Léon Bonnat (1833-1922), James Abbott McNeill Whistler (1834-1903), John Singer Sargent (1856-1925), Thomas Alexander Harrison (1853-1930), Augustus Saint-Gaudens (1848-1907) et Frederick William MacMonnies (1863-1937).

Clients chez Lavenue (source : The Real Latin Quarter)

Lavenue dans la presse

Dans Le Charivari, le premier quotidien illustré satirique du monde, on peut lire le 21 mars 1884 : « La rive gauche n’aura bientôt plus rien à envier à la rive droite, comme confort, et comme élégance de ses établissements publics. Voici par exemple que sous l’impulsion intelligente de son nouveau propriétaire, M. Charuet, le restaurant Lavenue, déjà fort apprécié, vient de subir une transformation complète. Façades élégantes sur la gare et sur le boulevard Montparnasse, installation luxueuse des cabinets, salon-serre, téléphone, et le reste à l’avenant ; sans parler du jardin d’été dont les ombrages inviteront bientôt la clientèle de choix qui prisait déjà chez Lavenue une des première caves de Paris. Avis aux amateurs ».

Dans « Henriette », un feuilleton publié dans Le Figaro du 1er juin 1889, on trouve une description du jardin de Lavenue :

Dans Le Parti ouvrier du 11 février 1890, on apprend que le directeur de Lavenue, M. Charuet, décédé brutalement d’une congestion cérébrale, a prévu de récompenser ses collaborateurs :

Carte postale du restaurant Lavenue à l’angle du boulevard Montparnasse et de la rue du Départ, au début du 20ème siècle, donnant sur la place de Rennes, l’actuelle place du 18 juin 1940.
Rue d'Odessa à l'angle de la rue du départ
Sur le bâtiment à l’angle de la rue d’Odessa et de la rue du Départ on devine l’inscription surlignée en bleu : Hôtel de France et Bretagne – Maison Lavenue. Sur les vitres du premier étage, cerclé en bleu, sont gravées les initiales H.L. pour Hôtel Lavenue. On note au passage qu’une pharmacie, comme de nos jours, existe déjà à l’angle de cette rue.

Dans Le Figaro du 17 août 1897, on peut se faire une idée des aménagements réalisés lors de la rénovation entreprise par le nouveau directeur, M. Gruffaz : « C’est un coin parisien bien curieux que cette place de Rennes, si animée par un va-et-vient continuel. A côté de la façade sombre de la gare Montparnasse, au coin de la rue du Départ, un somptueux hôtel-restaurant se dresse orgueilleusement , attirant une clientèle aussi nombreuse que choisie. C’est l’ancien restaurant Lavenue, que M. Gruffaz, le directeur actuel, a fait magnifiquement restaurer, sous la direction de l’habile architecte Marnez. Jour et nuit, ce que Paris, la province ou l’étranger comptent de notoriété se réunit soit à l’hôtel, dont le luxe et le confort sont au-dessus de tout éloge, soit au restaurant aux salles spacieuses et claires, décorée avec le meilleur goût. Dans le jardin une nouvelle véranda, dont le plafond a été peint par Martens, donne asile, aux heures des repas, à des financiers, artistes, littérateurs, négociants cotés, qui, en savourant l’excellente cuisine et les meilleurs crus de la maison, font assaut d’esprit. M. Gruffaz a réussi à réunir dans son établissement, dont il conserve la veille renommée, tous les éléments du succès qu’il mérite à si juste titre. C’est là une heureuse innovation et un exemple à suivre « .

Dans Le Journal du 24 août 1897, on trouve une description de l’intérieur du restaurant Lavenue après sa rénovation :
« Les ors des décorations sont discrets ; l’éblouissement cru des blancs est tempéré par des guirlandes de fleurs de teintes tendres, l’air et le jour circulent partout ; les cabinets particuliers n’ont pas la banalité des locaux étriqués des établissements similaires. Ce sont de véritables boudoirs ! Il y a un jardin à ciel découvert avec bosquets pour l’été et un hall vitré orné de plantes vertes, pour l’hiver. »

Sur cette carte postale publicitaire, on devine l’entrée Guimard du métro juste devant Lavenue. Cette ligne a été mise en service en 1910.
Jardin du restaurant Lavenue
Véranda du restaurant Lavenue

La petite Bretonne

« Une des curiosités de Paris est, sans contredit, la figure de Bretonne sculptée par le maître Falguière sur la façade du restaurant Lavenue, place Montparnasse. Le propriétaire, M. Gruffaz, a fêté, hier, en un banquet intime cette œuvre magistrale. Cette fête, où le champagne Léon Laurent coulait à flots, a été de tous points réussie » (Le Journal, 7 avril 1898)

Intriguée par cette mention d’une figure sculptée en façade, j’ai tenté d’en savoir plus. Mes premières recherches n’ont rien donné, mais grâce à l’arrière petit-fils du sculpteur Alexandre Falguière (1831-1900), j’ai pu récupérer une image :

La carte ci-dessous pourrait laisser supposer que la sculpture était visible à l’angle de l’établissement, mais je n’ai aucune certitude.
Ne cherchez pas la Tête de Bretonne sur la façade du 1-3 rue du Départ. Elle ne s’y trouve plus. Laurent Falguière, l’arrière petit-fils du sculpteur, précise qu’elle été aperçue chez un antiquaire parisien. Une photo prise « sans doute avant 1977 » conservée à la documentation du Musée d’Orsay en atteste. Malheureusement depuis il a perdu sa trace. Évidemment si vous, lecteur de ce blog, avez des informations sur sa localisation, laissez un commentaire !

Un menu pour toutes les bourses

A l’entrée de Lavenue, vous étiez accueilli par Mademoiselle Fanny derrière son comptoir depuis quarante ans (source : The Real Latin Quarter)

« Il y en a pour toutes les bourses, les petites comme les grandes, d’autant que, près du grand établissement destiné à la vie luxueuse des gens fortunés, un restaurant plus modeste, mais aussi plus pratique, et qui dans peu sera célèbre sous le nom de Petit Lavenue, fonctionne pour les humbles » (Le Journal, 24 août 1897).

Les serveurs et maître d’hôtel du Petit Lavenue

Les encarts publicitaires publiés dans la presse sont une bonne indication pour voir l’évolution des prix au Petit Lavenue : Le repas (sans boisson) est à 12 francs en octobre 1924. Il passe à 15 francs en juin de l’année suivante (Le Matin, 2 juin 1925)

Le grand hôtel-restaurant Lavenue est littéralement pris d’assaut par le Tout-Paris élégant et gourmet. […] M. Gruffaz a su exalter encore le vieux renom de ce luxueux établissement où l’on est traité princièrement à des prix très raisonnables. (Le Figaro, 12 oct. 1897)

« Tout ce que le Quartier Latin a possédé de jeunes artistes et de jeunes littérateurs pendant ces vingt-cinq dernières années, a passé par la maison Lavenue »

A. Pallier, La Liberté, 30 mars 1898

« Des concerts symphoniques, par des artistes des Concerts-Lamoureux, Colonne et de la garde républicaine, auront lieu tous les soirs, dans les jardins de la maison Lavenue, à partir du 15 mai « (Le Figaro, 3 mai 1898).

L’établissement est référencé dans de nombreux guides comme dans le Guide des plaisirs à Paris de 1927 qui en fait la description suivante : « Maison connue par tous les viveurs pour sa chère succulente, ses vins de derrière les fagots et ses cabinets particuliers… dont on dit merveille. On vient de tous les coins de Paris diner chez Lavenue« .

Voici un des menus proposé par Lavenue en 1935 pour 60 francs :

Faits divers…

Il est amusant de lire la description d’une bagarre chez Lavenue parue le 12 juillet 1893 dans deux journaux différents : Le Petit Parisien, l’un des principaux journaux sous la Troisième République créé en 1876, et La Liberté, un quotidien parisien fondé en 1860 :

L’Intransigeant, quotidien français initialement d’opposition de gauche, évolue rapidement vers des prises de position nationalistes. En 1919, le journal interpelle en une les directeurs de Lavenue à propos du non affichage des tarifs majorés lors des concerts :

Place aux grands travaux

La revue hebdomadaire d’architecture, La Construction moderne (19 avril 1931) présente les travaux réalisés par l’architecte Fernand Rimbert à la demande de M. Prévost, président de la Société des « Hôtel-Restaurant Lavenue » pour pallier le charme désuet passé de mode de l’établissement. Les travaux prévoient une modification radicale des sous-sols et du rez-de-chaussée. En raison du climat maussade, le jardin est abandonné et remplacé par une nef en fer formant l’ossature de la grande salle du restaurant-dancing. « Les nouveaux aménagements ont été conçus pour permettre un service discret et facile, dans un cadre chaud et intime pour la Brasserie et élégant pour le Restaurant-Dancing. »
Un plan et quelques clichés permettent de mieux se rendre compte des modifications.

Plan du Café-Restaurant Lavenue par l’architecte Fernand Rimbert (source : La cité de l’architecture)

Les volumes et le style Art-déco du restaurant-dancing ne sont pas sans rappeler La Coupole inaugurée quelques années plus tôt, en décembre 1927.

Est-ce que l’ouverture circulaire placée en façade au dessus de l’entrée du 1-3 rue du Départ est une réminiscence de la décoration Art-déco du restaurant-dancing ? Je n’ai aucun élément qui me permette de l’affirmer, mais j’aime à le penser.

Malheureusement ces nouveaux aménagements ne semblent pas suffisant pour assurer le succès de l’établissement qui fait faillite en 1937 :

Dans l’Echo de Paris (4 juin 1937), on peut lire : « Lavenue disparait à son tour […] C’est chez Lavenue, gloire du Montparnasse, que la Patrie Française présidée par Jules Lemaître, donnait ses diners auxquels assistaient Maurice Barrès, Gabriel Syveton, le doux poète François Coppée… Encore un souvenir du vieux Paris qui disparait. Les gastronomes regretteront ce restaurant Lavenue, son jardin d’hiver, ses bosquets et surtout sa cuisine et ses vins sincères.« 

Jusqu’à nos jours…

Au 1-3 rue du Départ, l’hôtel-restaurant Lavenue a été remplacé par le restaurant Chez Dupont et le cinéma Miramar, et la pharmacie a perdu sa façade en bois, en 1955. On remarque que l’entrée du métro à une arche Guimard, disparue aujourd’hui (crédit : non identifié).
Le slogan de Dupont, »Chez Dupont, tout est bon ».
Chez Dupont et le cinéma Miramar, en 1964. On note que l’entrée du métro Guimard a été remplacé par un mat avec le typique M jaune. Sur le toit on observe des structures métalliques sans doute pour supporter des enseignes publicitaires, qu’on retrouve sur la photo de 2007 ci-dessous.

Certains se souviennent que dans les années 1980, le restaurant Dupont laisse la place à une Taverne de Maître Kanter jusqu’en 1994. Aujourd’hui c’est un restaurant Hippopotamus qui fait l’angle du boulevard Montparnasse et de la rue du Départ.

Le 1-3 rue du Départ sur la place du 18 juin 1940 (ancienne place de Rennes), vu depuis la dalle de la tour Montparnasse (crédit : Les Montparnos, novembre 2007)
Place du 18 juin 1940 à Paris
De nos jours, au 1-3 rue du Départ, Chez Dupont a été remplacé par un restaurant Hippopotamus, le cinéma Miramar a été repris par Gaumont et la pharmacie est toujours là. Depuis le kiosque à journaux de gauche a été remplacé (crédit : Les Montparnos, août 2018).

L’angle du boulevard Montparnasse et de la rue du Départ vers 1900, à gauche, et en janvier 2021, à droite.
Le 1-3 rue du Départ dans le 14ème arrondissement, en 1955 à gauche et en 2021 à droite. On note que le kiosque à journaux actuel est à peu près à l’emplacement de l’ancienne entrée du métro qui a été décalée sur la droite.
1-3 rue du Départ, 14ème arr.
Le 1-3 rue du Départ dans le 14ème arrondissement, en 1964 à gauche et en 2020 à droite.
"The real Latin quarter" de F. Berkeley Smith

The Real Latin Quarter (1901) de Frank Berkeley Smith (1869-1931)
Le chapitre 5 est consacré au déjeuner au restaurant Lavenue. 
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Les sources pour cet article : « Chronique d’art » par A. Pallier (La Liberté, 30 mars 1898), Numéro consacré à Alexandre Falguière (La Plume, 1er juin 1898), « Café-Restaurant « Lavenue » à Paris par Fernand Rimbert, architecte D.P.L.G. » (La Construction moderne, 19 avril 1931).