Le Bouillon Chartier de Montparnasse

Près de 100 ans après sa fermeture, un Bouillon Chartier a rouvert en février 2019 sur le boulevard Montparnasse, retrouvant sa vocation d’origine : proposer une cuisine traditionnelle à bon prix dans un cadre agréable. Retour en images sur cette histoire…

On doit à Baptiste-Adolphe Duval (1811-1870) l’invention d’un nouveau type de restauration voué à nourrir le petit peuple des Halles, composé d’ouvriers et d’employés contraints de se restaurer hors de chez eux, pour une somme modique. Au milieu du 19ème siècle, ce boucher de métier cherche à écouler les bas-morceaux de viande délaissés par sa clientèle aisée. Il a l’idée de proposer aux travailleurs une cuisine basique et bonne, faite de plats mijotés et de pot au feu, préparée à base de produits frais, le tout dans un cadre agréable. En 1854, les Bouillons Duval étaient nés. En 1896, un concurrent de taille est créé : le premier Bouillon Chartier est ouvert, par les frères Frédéric et Camille Chartier, au 7 rue du faubourg Montmartre dans le 9ème arrondissement.

En 1903, l’ancienne boutique d’un marchand d’huile, au 59 boulevard du Montparnasse dans le 6ème arrondissement, est rachetée par Edouard Chartier. En 1906, d’importants travaux sont effectués pour donner naissance à un somptueux décor Art Nouveau (verrière, miroirs, céramiques, moulures, boiseries…). Les revêtements en céramique, aux dessins floraux, ponctués de paysages de la France, sont signés par le céramiste Louis Trézel (1863-1912) de Levallois-Perret (92).

On reconnait l’enseigne du Bouillon E. Chartier sur cette photo prise, vers 1900, depuis la place de Rennes (actuelle place du 18 juin 1940) à l’angle du boulevard Montparnasse et de la rue de Rennes.

En 1924…

Vendu en 1924, le Bouillon Chartier Montparnasse est repris par H. Rougeot, ancien directeur du restaurant Vagenende.

A partir de 1924, le Bouillon Chartier change de propriétaire et passe sous la direction de H. Rougeot.
Tableau de Jean Dubuffet représentant la grande salle du restaurant Rougeot (mars 1961). On peut lire le nom du restaurant dans la réflexion du miroir en haut au milieu du tableau. Cette toile est visible à la Fondation Dubuffet à Paris (6e arr.).

En 1977…

Grâce aux royalties du best-seller La cuisine est un jeu d’enfants (3 millions d’exemplaires), Michel Oliver crée, dans les années 1970, plusieurs bistrots rive gauche, dont le Bistro de la gare au 59 boulevard du Montparnasse.

Restaurant « Le Bistro de la Gare » de Michel Oliver, ancien restaurant Rougeot, au 59 boulevard du Montparnasse (6ème arr.), mai 1977 (crédit : Collection Roger-Viollet/Roger-Viollet – source : Paris en images).

En 2003…

Le groupe Gérard Joulie rachète le restaurant qui prend alors le nom Montparnasse 1900.

Le Montparnasse 1900, au rez-de-chaussée de l’hôtel Terminus, à gauche de La Marine. (crédit : Les Montparnos, mai 2010)

Depuis février 2019…

Le Montparnasse 1900 ferme ses portes le 7 janvier 2019. La famille Joulie, propriétaire depuis 2003, a décidé de rendre son nom et sa vocation d’origine à ce lieu ouvert en 1903. Le restaurant rouvre le 1er février 2019, après travaux, sous l’enseigne d’un Bouillon Chartier. La boucle est bouclée !

La salle avec son décor est inscrite au répertoire des monuments historiques depuis le 16 juillet 1984. (source : Bouillon Chartier)

Bouillon Chartier – 59, boulevard du Montparnasse – 75006 Paris Site
Ouvert 7/7 j – De 11h30 à 14h30 et 14h30 à 22h30 sans réservation
Métro : Montparnasse-bienvenue (4, 6, 12, 13) – Bus : 28, 82, 92, 94, 95, 96
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L’immeuble Félix Potin

Rue de Rennes, impossible de passer à côté de l’immeuble Félix Potin sans le remarquer, tellement son architecture dénote par rapport aux bâtiments environnants. Pendant longtemps il était en piteux état, les mosaïques se délitaient, les corniches manquaient de se détacher et des filets de sécurité le balafraient. Depuis sa restauration en 2017-2018, il est à nouveau resplendissant. Découvrez son histoire au travers d’archives…

Au 140 rue de Rennes, à l’angle de la rue Blaise-Desgoff, en levant les yeux on ne peut manquer la tourelle d’angle, couronnée d’un campanile (certains parlent de bouchon de champagne), où se lit toujours le nom de Félix Potin. Pour les moins de 30 ans, Félix Potin était une enseigne française de distribution créée par l’épicier Félix Potin au milieu du XIXe siècle, et qui perdura jusqu’à la fin du XXe siècle.

Qui est Félix Potin ?

Jean Louis Félix Potin (1820 – 1871) est le fondateur de l’enseigne française de distribution du même nom. Né à Arpajon, il monte à Paris en 1836 où il est commis épicier pendant huit ans. Il s’installe à son compte en 1844 au numéro 28 de la rue Neuve-Coquenard dans le 9e arrondissement de Paris. Sa conception novatrice du métier d’épicier fait son succès. Parmi ses innovations il y a le respect du client, les prix fixes, la vente à la gâche et au comptant, la réduction des intermédiaires, la livraison à domicile, …

L'immeuble Félix Potin, rue de Rennes à Paris, vers 1900
L’immeuble Félix-Potin au 140 rue de Rennes, vers 1905, alors que la tour Montparnasse et l’immeuble de la Fnac n’existent pas encore. Au bout de la rue Rennes, on reconnait l’ancienne gare Montparnasse. Sur la droite, on note que le Grand Bazar, inauguré en 1906, n’existe pas encore (Crédit: © Neurdein/Roger-Viollet).

Après le décès du fondateur en 1871 et de sa veuve 1890, ce sont leurs fils et gendres qui continuent l’aventure. Le développement de l’enseigne passe par l’ouverture de nouvelles succursales et par la construction de l’immeuble monumental de la rue de Rennes qui ouvre en 1904. Cet immeuble, œuvre de l’architecte Paul Auscher (1866 – 1932), est le premier grand magasin à utiliser le béton armé dans sa construction.

Le bâtiment est une grande surface alimentaire de six étages richement décorée en style Art nouveau qui propose notamment un « service de cuisine pour la ville » avec son rayon traiteur.

La disposition à l’intérieur du magasin a été voulue aérée et ordonnée afin de permettre une circulation facile. Un des premiers tapis roulant permet d’accéder à un salon de thé et à un salon de photographie situés à l’entresol. Malheureusement je n’ai trouvé aucune archive de l’intérieur du bâtiment à cette époque. On peut éventuellement se faire une idée du possible agencement intérieur en consultant celui de l’établissement Félix Potin du boulevard Sébastopol en 1931.

Mosaïques de la façade Art nouveau de l'immeuble Félix Potin, rue de Rennes
Les mosaïques de la façade art nouveau de l’immeuble Félix Potin ont été réalisées par Henri Bichi (1855 – ??), mosaïste italien installé à Paris, actif au moins entre 1889 à 1908 (Crédit : Les Montparnos, mai 2020).

A la fin des années 1970, l’enseigne TATI, en pleine expansion, s’installe rue de Rennes dans l’immeuble Félix Potin. Mais c’est surtout l’attentat du 17 septembre 1986 qui coûta la vie à sept personnes et fit une soixantaine de blessés qui reste dans les mémoires. Une plaque apposée en façade rappelle ce triste événement.

Après le départ du magasin TATI en avril 1999, le bâtiment a été remanié, mais le nom Félix Potin en façade est resté car depuis le 15 janvier 1975, la façade et la toiture sont classées monuments historiques. Après TATI, les enseignes se succèdent (Monoprix, Zara) et le propriétaire actuel est AGF.

Rue de Rennes à Paris, vers 1900
Dans l’enfilade de la rue de Rennes sur la gauche, on devine l’immeuble Félix Potin à sa tourelle d’angle. Paris (VIème arr.), vers 1900. (Crédit : © Léon et Lévy / Roger Viollet)

Pour en savoir plus sur Félix Potin, consultez la page wikipedia ainsi que le site Félix Potin. Pour le bâtiment, voir aussi les sites L’Art Nouveau, Le piéton de Paris.