Au début de la seconde moitié du 19ème siècle, Paris est en pleine expansion démographique, industrielle et commerciale. L’organisation du transport devient primordiale. Les avenues percées, entre 1853 à 1870, dans le cadre du projet du baron Haussmann facilitent la circulation en constante augmentation des voitures à chevaux, des fiacres, des tramways et autres camions, mais elle n’en devient pas moins anarchique, dans les quartiers centraux. On attendait beaucoup de la Petite ceinture, la première réalisation ferroviaire d’envergure pour Paris, ouverte au trafic voyageurs et marchandises entre 1851 et 1867. Mais les espoirs sont déçus et les problèmes de circulation restent entiers.
En Europe, Londres a mis en service dès 1863 sa première ligne de chemin de fer métropolitain et cela semble être l’exemple à suivre. Après la guerre de 1870, les projets de chemin de fer dans Paris se multiplient. Le conseil général de la Seine se saisit du problème, la Ville de Paris prend les études à son compte, le ministre des transports consulte le conseil d’état, dont l’avis rend la concession à la Ville de Paris impossible, tant et si bien que le métro ne sera pas prêt pour l’exposition universelle de 1889 et il prendra 10 ans de retard. Souterrain ou aérien, les projets continuent d’arriver et l’imagination ne manque pas. Un certain Édouard Mazet prévoit même de faire circuler des trains « gondoles ». Ce projet extravagant qui frise le canular est cependant enregistré sérieusement à la Préfecture de Police et parait dans la revue de vulgarisation, La Nature, du 7 juin 1884 (n°575, p. 315-318).
La perspective de l’exposition universelle de 1900 à Paris, débloque la situation. L’État reconnait le 22 novembre 1895 à la Ville de Paris le droit de réaliser le métropolitain. L’avant-projet de Paris fut dressé au début de 1896 par Edmond Huet, directeur des travaux et Fulgence Bienvenüe, ingénieur en chef. Le principe était des trains légers souterrains à traction électrique.
Qui est Fulgence Bienvenüe ?
Originaire de Uzel dans les Côtes-du-Nord (actuelles Côtes-d’Armor), Fulgence Bienvenüe (1852-1936) étudie à l’École polytechnique puis à l’École nationale des ponts et chaussées. Il devient inspecteur général des Ponts et Chaussées en 1875. Amputé de son bras gauche après un accident en 1881, il travaille pour la Ville de Paris à partir de 1886 et poursuit les travaux d’aménagements de la capitale initiés sous le baron Haussmann. En 1895, il présente avec son collègue Edmond Huet un avant-projet de réseau de chemin de fer métropolitain souterrain et électrique pour la capitale. Après l’adoption définitive du projet en 1898, Bienvenüe se consacre entièrement à la construction du métro de Paris, l’œuvre majeure de sa carrière.
Pendant plus de trente ans, imaginant des techniques de construction parfois audacieuses, Fulgence Bienvenüe supervise la construction et l’extension du réseau, ce qui lui vaudra le surnom de Père du métro. On disait de lui : « C’est un esprit très audacieux mais raisonnable, rigoureux et réaliste » qui montre la ténacité d’un vrai breton.
(Crédit : Neurdein / Roger-Viollet – Source : Paris en images)
La station de métro Montparnasse – Bienvenüe est nommée en l’honneur de Fulgence Bienvenüe depuis le 30 juin 1933, en même temps que la place du Maine prend le nom de place Bienvenüe.
La construction du métro
La loi du 30 mars 1898 déclare d’utilité publique, à titre d’intérêt local, le projet du métropolitain « destiné au transport de voyageurs et de leurs bagages à main« . Le réseau long de 65 km est constitué de six lignes concédées à la Compagnie du chemin de fer Métropolitain de Paris (CMP). La loi stipule également que les infrastructures (souterrains, tranchées, viaducs, quais des stations) sont construits par la Ville de Paris, tandis que le concessionnaire exploitant est chargé des superstructures (ateliers, usines électriques, pose des voies et des équipements, achat du matériel roulant).
La mise en service du métro a nécessité la construction de sous-stations électriques pour alimenter les rames, comme celle-ci dans le quartier de Necker. (Source : Les Montparnos, mai 2020)
Les travaux de la ligne 1 (entre Porte Maillot et Porte de Vincennes) débutent en octobre 1898. Elle est inaugurée le 19 juillet 1900 alors que la capitale accueille la même année l’exposition universelle et les jeux olympiques. Le succès est immédiat. Près de 4 millions de personnes sont transportés dès le mois de décembre 1900.
Très rapidement les travaux des lignes 2 Nord, 3, puis 2 Sud, 5, 4 et 6 sont entrepris. En 1910 les six premières lignes du réseau sont ouvertes avec un an d’avance sur les délais prévus.
L’inondation de 1910
Entre les 18 et 26 janvier 1910, des pluies diluviennes s’abattent sur le bassin parisien. A Paris, la Seine monte de six mètres en dix jours. Les lignes 1, 3, 4, 5 et 6 sont impactées au fil des jours. La ligne 6 est affectée en premier. D’importantes infiltrations recouvrent les voies sur 800 mètres dans le quartier de Bercy. Sur la ligne 4 récemment mise en service, l’eau recouvre les rails sur une longueur de 4600 mètres. Les lignes Nord-Sud (12), 13 et 8 alors en construction sont également impactées. Évidemment cela occasionne des interruptions de services sur les lignes concernées. Elles sont parfois exploitées par tronçon. Par exemple, le 25 janvier, le service est interrompu sur la ligne 4 entre Châtelet et Vavin. Après la décrue le service est rétabli progressivement. Pour les lignes qui nous intéressent, ente le 14 février et le 6 avril sur la 4 et entre le 8 mars et le 17 avril 1910 sur la 6.
Les lignes de métro à Montparnasse
Porte de Clignancourt – Porte d’Orléans, puis Mairie de Montrouge
Avec la ligne 4, pour la première fois, les voies passaient sous le fleuve pour relier la rive gauche à la rive droite de la Seine. Comme souvent la ligne a été mise en service par tronçon. Le parcours Porte d’Orléans – Raspail est ouvert aux voyageurs le 30 octobre 1909. Il faut attendre le 9 janvier 1910 pour l’inauguration du tronçon Châtelet – Raspail. La ligne est exploitée dans son entièreté après la décrue de 1910. Elle sera prolongée vers le sud jusqu’à Mairie de Montrouge, inaugurée le 23 mars 2013.
Étoile – Place d’Italie, puis Nation
Pendant sa construction, la ligne 6 se nommait numéro 2, sous l’appellation « Circulaire Sud », la ligne « Circulaire Nord » (ligne 2 actuelle) étant ouverte depuis 1903. Elle a la particularité d’être en grande partie en aérien. La mise en service de la ligne s’est faite en plusieurs étapes. Le tronçon Passy-Place d’Italie est ouvert le 24 avril 1906.
Boulogne – Gare d’Austerlitz
Écartelée, remaniée, tronquée, la ligne 10 actuelle ne ressemble en rien à ce qu’elle a été au début du métro parisien. Une partie de son tracé actuel portait un autre numéro, tandis que le nombre 10 était affecté à certains tronçons qui appartiennent aujourd’hui à d’autres lignes. C’est aujourd’hui une transversale est-ouest.
Porte de la Chapelle, puis Front populaire – Mairie d’Issy
En 1901 l’ingénieur Berlier, associé à Janicot, propose son chemin de fer tubulaire inspiré du tube londonien. Il propose de connecter les deux rives de la Seine et de relier Montmartre à Montparnasse avec la ligne A d’un réseau qui devait comporter trois lignes (A, B, C). La Ville de Paris lui accorde la concession le 28 décembre 1901, mais demande que la ligne soit prolongée jusqu’à Porte de Versailles d’une part et de Saint Lazare à la Porte de Saint-Ouen d’autre part. Entre temps la Société du chemin de fer électrique souterrain Nord-Sud de Paris a été créée. Contrairement à la CMP, la concession prévoyait que l’ensemble des travaux soit à la charge de Nord-Sud. A noter que sous la butte Montmartre la ligne est établie à grande profondeur, soit jusqu’à 56 mètres sous la surface du sol.
Le 5 novembre 1910, les voyageurs pouvaient aller de Porte de Versailles à Notre-Dame-de-Lorette. A partir d’avril 1911, ils pouvaient aller jusqu’à Pigalle, puis jusqu’à Jules Joffrin à partir d’octobre 1912. Le 23 août 1916, la ligne va jusqu’à La Chapelle, et Mairie d’Issy est inaugurée le 24 mars 1934. Le 18 décembre 2012, la ligne 12 est prolongée vers le nord jusqu’à la station Front Populaire.
Chatillon-Montrouge – Asnières-Gennevilliers / Saint-Denis
Cette ligne a connu bien des vicissitudes. Initialement la ligne B du Nord-Sud allait de la gare Saint-Lazare à la porte de Saint-Ouen et prévoyait une correspondance à Saint-Lazare avec la ligne A (c’est-à-dire la 12). A l’origine le tronçon Invalides et Duroc faisait partie de la ligne 10, la ceinture intérieure. La partie méridionale de la ligne 13 actuelle était l’ancienne ligne C du Nord-Sud entre la porte de Vanves et la place Bienvenüe, aussi numérotée ligne 14. Le terminus était initialement prévu sous la rue de l’Arrivée. Ce tronçon est inauguré en décembre 1936.
La situation avec, d’une part une ligne 13 venant du nord et aboutissant à Saint-Lazare et d’autre part une ligne 14 venant du sud et s’achevant à Invalides, va durer des décennies. Ce n’est que dans les années 1970 qu’elles sont réunies en une grande ligne transversale nord-sud.
Pour se démarquer des lignes de la CMP, les noms des stations de la ligne Nord-Sud sont écrits en lettres énormes et les cadres publicitaires sont en céramique bistre pour les stations ordinaires et de couleur verte pour les stations de correspondance.
En 2020, le métro parisien a 120 ans !
En 1970, l’ORTF consacre un épisode de la série « Histoire de Paris » aux 70 ans du métropolitain et retrace les grandes étapes de sa construction.
Les stations du quartier
Denfert-Rochereau (source : Wikipedia) Duroc Edgar Quinet (source : Paris en images) Falguière Gaité Montparnasse-Bienvenüe Notre-Dame des champs Pasteur (source : Paris en images) Pernéty (source : A. Duret-Lutz) Raspail Rennes Saint-Placide Sèvres-Babylone Vanneau (source : Gallica.fr) Vavin
Cet article s’appuie sur les ouvrages suivants : « Un siècle de métro en 14 lignes » de Jean Tricoire, éd. La vie du rail, 2000 | « Un ticket pour Paris, un siècle de bus et de métro » de Claude Berton, Jean-Claude Lablée, Claire Lemoine et Murielle Rudel, éd. Sélection du Reader’s Digest, 2006 | « Histoire illustrée des stations de métro » de Philippe Game et Danielle Michaud, éd. EDL, 2005